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Wisniewski entre les stars
On se demande parfois ce qui peut pousser des clubs à engager des anciennes gloires internationales en fin de carrière. À écouter Jonathan Wisniewski, on comprend mieux. Le jour où il a rencontré Andrew Mehrtens, ses certitudes ont volé en éclats.
« Sa façon de travailler était à l'opposé de l'idée que je me faisais du haut niveau », raconte celui qui fut durant deux saisons son concurrent à l'ouverture, son élève et à la longue son plus fervent admirateur.
À son arrivée au Racing-Métro 92, qui évoluait encore en Pro D2, le deuxième meilleur réalisateur All Black de tous les temps derrière Dan Carter « n'a pas tapé de la semaine ». Interloqué, son jeune collègue était impatient de le voir en mode compétition. Lors de l'ultime entraînement, les buteurs ont tous leur rituel. « C'est génial, se disait-il. Je vais voir comment il bosse, comprendre ce qui l'aide à être fort. Mais la veille de son premier match, il a juste frappé deux ballons sans élan à vingt-cinq mètres face aux poteaux, puis est parti à la douche. Les week-ends suivants, pareil. Au bout d'un moment, j'ai fini par le questionner. Andrew m'a expliqué qu'il ne s'était jamais vraiment mis de protocole. Ça m'a fait réfléchir ».
Avant, Wisniewski avait une approche stakhanoviste de son métier. Mais à force de « vivre rugby, dormir rugby et manger rugby », la digestion avait du mal à se faire. À 23 ans, il avait déjà connu quatre clubs (Castres à deux reprises, Toulouse, Pays d'Aix et Colomiers). Le natif d'Albi a donc pris exemple sur son illustre aîné, se nourrissant également des conseils de Jeff Dubois et d'Agustin Pichot. Mais rien n'est plus dur que de changer ses habitudes de travail. Les premiers temps, on a mauvaise conscience.
« J'ai eu du mal, reconnaît-il. J'avais besoin d'aller taper une heure par jour. Je ne pouvais concevoir les choses autrement. Et puis il y a eu cette victoire à Brive, il y a un an, qui a été le déclencheur de ma saison. Je m'étais forcé à arrêter de buter deux jours avant le match et à ne tenter que deux pénalités faciles dix minutes avant le coup d'envoi. Ce jour-là, j'ai fait 100 % sous tous les angles ».
Depuis, il tourne autour des 80 % de réussite, ce qui l'installe dans l'aspiration de Jonny Wilkinson, son idole, au nombre de points marqués.
« Un ouvreur, quand on ne le voit pas, c'est qu'il a fait un bon match, considère-t-il. Il faut savoir être effacé. Je m'attache à bien faire jouer les autres ». Comme à Toulouse où, après avoir touché trois fois le ballon, il a adressé une fantastique passe décisive au pied pour Vulivuli à l'autre bout du terrain. Question discrétion, c'est donc raté. S'il n'est pas le plus connu des Racingmen, loin de là, Jonathan Wisniewski est celui dont on parle le plus depuis trois mois. Même pour l'équipe de France. « Je l'aime bien, confiait lundi dans nos colonnes Marc Lièvremont, l'entraîneur des Bleus. Il se construit de manière intelligente et il évolue dans un bon contexte. »
La méthode Mehrtens
Le nouveau style de jeu, beaucoup offensif du Racing-Métro, n'est pas étranger à son explosion. « Cette évolution me convient, car je suis de l'école toulousaine ».
Mais il profite aussi des blessures du génie des Pumas, Juan Martin Hernandez, qui apprécie encore plus que le champion du monde François Steyn le poste de 10. « Quand j'ai vu qu'ils avaient signé, honnêtement, j'ai été un peu affecté, avoue-t-il. Mais ça m'a donné une source de motivation, tout en me permettant de jouer plus relâché, car les gens ne m'attendaient pas. Je sais que Juan va revenir et qu'on va tourner. Je laisse les choses se faire naturellement. C'était moins le cas avant. Cette philosophie me va bien ».
C'était ça la méthode Mehrtens, le relâchement et la simplicité. À son contact, Jonathan Wisniewski a compris qu'il n'y avait pas que le rugby dans la vie, que le professionnalisme, « ce n'est pas forcément ne faire que ça et ne pas dormir », et qu'une pénalité ou une transformation manquée, ce n'est pas non plus la fin du monde. Même celle, douloureuse, face à Mont-de-Marsan en finale d'accession. « Andrew vivait énormément à côté du sport. Dès que les crampons étaient posés, il blaguait ». C'est l'aspect qui lui a posé le moins de difficultés. D'un naturel jovial, il se définit lui-même comme un chambreur.
Les Bleus, ce serait évidemment la « cerise sur le gâteau » et pas seulement parce que le nom rendu célèbre par son footballeur de grand-oncle, Maryan Wisnieski (avec un seul w), qui a participé à la Coupe du monde 1958 en Suède, est un dérivé du mot « cerise » en polonais.
http://www.sudouest.fr/2010/10/22/wisni ... S-10521769