Imhoff:"Le Racing a de l’ambition" (1/2)
C’est l’une des révélations de la saison au Racing. Juan Imhoff a accepté en exclusivité pour Rugbynews de se livrer longuement. Il revient sur sa vision du rugby français, son intégration au sein du Racing, ses espoirs pour cette fin de saison et nous décrypte, dans une deuxième partie, sa vie avec les Pumas.
Quelle(s) différence(s) peut-on noter entre le Juan Imhoff arrivé en France courant octobre et celui qui s'apprête très probablement à disputer le premier 4 Nations de l'histoire ?
Je ne sais pas encore si je serai sélectionné (sourire)... Quoi qu'il en soit, la différence réside dans le simple fait d'être ici, de vivre seul, de parler une autre langue, de jouer un autre championnat : tout cela m'a fait énormément grandir dans la tête. Donc forcément, il y a des différences. Mais je vais continuer à grandir afin d'être au niveau si l'opportunité m'est offerte de disputer ce 4 Nations.
Quelle vision aviez-vous du Top 14 avant d'y prendre part ?
Question difficile... En Argentine, nous suivons beaucoup le Top 14, et j'admirais réellement beaucoup d'équipes. Mais aujourd'hui, je ne peux pas dire que j'étais fan d'une équipe plutôt que d'une autre. Je les aimais toutes, car j'aime le rugby. J'aime voir du beau rugby, qu'il soit pratiqué par le Racing, le Stade Français, Clermont, Toulouse ou autre.
Et quelle était votre vision de la France et des Français ?
J'avais une très belle image de la France. C'est un pays très différent de l'Argentine. Mais ça a toujours été un rêve pour moi de vivre à Paris. Avant, je pensais déjà qu'il s'agissait de l'une des plus belles villes au monde. Aujourd'hui, je le constate par moi-même (sourire)...
Pourquoi avoir accepté l'offre du Racing en octobre dernier ?
La présence de joueurs de très haut niveau dans l'équipe a été l'un des paramètres importants. La présence de Juan (Hernandez) aussi, bien sûr. Enfin, le fait que le Racing soit une équipe qui ait l'ambition de gagner des titres.
Que saviez-vous de « l'esprit Racing » avant de venir ?
Je connaissais l'histoire du club. Je la connaissais très bien même. Mais je crois que l'esprit, c'est une chose que tu découvres véritablement de l'intérieur.
Qu’avez-vous découvert de plus surprenant ici ?
Tout, je crois bien ! Depuis la langue jusqu'aux matches, absolument tout...
Le plus grand défi pour vous se situait-il sur le plan sportif ?
Les deux... Venir ici, pour moi, signifiait tout changer, de A à Z. Mon mode de vie, parler une autre langue, vivre seul dans un autre pays... Beaucoup de choses allaient changer, et cela me préoccupait réellement. Mais je savais que cela me ferait changer, grandir.
Qu'est-ce qui fut le plus compliqué à gérer ?
Etre loin de ma famille, de mes amis et de mon club que j'aime... Mais au final, ce fut facile grâce aux Argentins présents ici, aux joueurs du Racing et à tous les gens du club qui ont été d'une gentillesse incroyable avec moi.
Votre conception du rugby professionnel a-t-elle évolué depuis votre arrivée au Racing ?
Je pense toujours de la même façon que lorsque j'étais en Argentine. Comme on dit chez moi : « profesional de cabeza, y amateo de bolsillo » (professionnel dans la tête, amateur au niveau du portefeuille). En bref, je joue ici comme si j'étais amateur : avec le cœur. Mais il y a tout plein de petits détails au quotidien qui changent et font toute la particularité du rugby pro. Ce qui change, à mon sens, lorsqu'on est joueur pro, c'est la responsabilité que l'on a, chaque jour. Mais après, j'aime toujours le rugby de la même façon, de tout mon cœur.
Saviez-vous comment le club fonctionnait ? Aviez-vous eu quelques échos via vos compatriotes d'ores et déjà présents dans l'équipe ?
Non, non. Je ne savais rien. En Argentine, on s'entraîne beaucoup, tout au long de la semaine. Mais le week-end, les matches... ce n'est pas le même niveau. Or les matches, c'est ce qui change tout ! Quand tu dois travailler toute la semaine avec l'objectif de disputer une rencontre de haut niveau, c'est ce qui fait toute la différence.
Si vous étiez journaliste, que diriez-vous de la saison de Juan Imhoff ?
Jamais je n'aurais imaginé être ici. C'est une saison très importante pour moi. Mais elle n'est pas terminée. Il est encore difficile pour l'heure de dresser un bilan. Bien souvent, les résultats de fin de saison résument les performances d'un joueur. En tout cas, personnellement, je me sens très bien, suis très heureux, car j'évolue à haut niveau et aux côtés de joueurs de très haut niveau. Je profite énormément de tout ce que je vis ici.
Avez-vous été surpris de vous imposer aussi rapidement ?
Dans cette équipe du Racing, il y a plein de joueurs de haut niveau. Et il n'y a pas de "titulaires". Ce que je veux dire par là, c'est que tu dois t'entraîner dur toute la semaine, tous les jours, afin de gagner ta place pour le match du week-end à venir. Ce n'est jamais gagné. Et ce que tu fais sur le terrain le samedi, c'est le plus important... Car si tu peux gagner ta place à l'entraînement, forcément, si tu réalises de bonnes prestations en matches, ça aide !
Vous qui êtes arrivé en qualité de joker médical vous ne vous attendiez peut-être pas à réaliser une saison aussi tonitruante...
Le Racing avait besoin d'un joueur pour remplacer Benjamin (Fall, blessé, ndlr). J'ai eu la chance de faire de bons matches, et, à l'entraînement, de comprendre rapidement les consignes du staff. Après, quand je joue mal, je ne suis pas dans l'équipe ! Ce n'est absolument pas automatique. Donc je ne me sens pas installé comme titulaire. Il y a beaucoup de joueurs de qualité dans ce groupe, et tu sais que, si tu veux jouer, tu es obligé de travailler. Ça, c'est parfait ! (sourire)
Quel est l'adversaire contre lequel vous avez pris le plus de plaisir à jouer cette saison ?
Tous les matches sont différents. Chaque rencontre est belle, et je vis chacune d'entre elles avec le même plaisir. Certains adversaires sont plus difficiles que d'autres, comme Toulouse, Clermont ou encore Toulon. Mais je pense que le Racing est une équipe Top 6. Après, si tu te qualifies pour les barrages, il n'y a plus que des clubs de haut niveau. Pour moi, le Racing fait partie des meilleurs clubs de France. Alors certes, il est dur pour nous d'affronter le Stade Toulousain ou l'ASM mais je crois que la réciproque est vraie également.
Quelles barrières avez-vous fait tomber ces derniers mois ?
La plus importante : être loin de mon Rosario (sa ville natale, ndlr), de mon Argentine, de mon club de Duendes, de ma famille.
Que dire du rythme du Top 14 ?
Je pense que le Top 14 est un championnat d'un niveau incroyable. Ça va extrêmement vite, c'est dur... J'avoue qu'après un match, en général, jusqu'au mardi suivant, je suis vraiment fatigué !
Dans quel domaine estimez-vous devoir encore progresser à l'heure actuelle ?
Je crois que je dois encore beaucoup progresser, dans tous les secteurs. Mentalement, on peut tout le temps s'améliorer. Mais je pense aussi pouvoir courir plus vite, plaquer mieux, taper mieux. Tous les jours, je dois travailler l'ensemble de ces choses-là.
Diriez-vous que vous êtes perfectionniste, qu'il est difficile pour vous d'être satisfait ?
C'est en effet très difficile pour moi d'être satisfait. Mais je ne dirais pas que je suis perfectionniste. Je suis tout simplement convaincu que l'on peut toujours s'améliorer. Et si j'ai l'intention de vivre du rugby, je dois m'améliorer en permanence.
Considérez-vous 2012 comme une année charnière ?
En 2009, je jouais avec mon club, à Duendes, et j'ai commencé à jouer avec l'équipe nationale. En 2010, j'ai joué de nouveau avec les Pumas. En 2011, j'ai disputé la Vodacom Cup et la Coupe du monde... Je n'ai pas eu le temps de profiter. En trois ans, j'ai déjà tout vécu! J'ai un peu fait les choses à l'envers(sourire).C'est bizarre, mais ce n'est que du positif pour moi.
Comment expliquer le fait que vous vous soyez si bien intégré au Racing ? Vous donnez l'impression d'avoir toujours fait partie de ce groupe...
Cette équipe est pleine de bons joueurs. Or pour moi, un bon joueur de rugby, c'est avant tout une bonne personne. Je pense que c'est la raison pour laquelle j'ai été intégré aussi vite. Les "stars" de l'équipe m'ont traité comme n'importe quel autre joueur de l'histoire du Racing, d'égal à égal. C'est ce qui m'a fait me sentir bien. Et je parle beaucoup avec tout le monde, c'est peut-être aussi ce qui m'a permis d'apprendre le français (et de m'intégrer) très rapidement !
Justement, côtoyer tous ces grands noms : était-ce pour vous une source de motivation ou de pression ?
C'est un plaisir pour moi ! Tout le temps, tous les jours, à chaque entraînement, j'apprends énormément à leurs côtés. C'est incroyable. Lorsque je rentrerai en Argentine cet été, j'essayerai de donner à mon club tout ce que j'ai pu apprendre ici.
Vos nouveaux coéquipiers vous ont-ils affublé d'un surnom ?
Ils m'appellent Juan, José, Coco... Enfin Coco, c'est le surnom que me donnait Juan (Hernandez). Mais finalement, il m'appelle Coquito (petit Coco), et moi je l'appelle Coco : lui c'est le grand, moi le petit ! (rires)
Quelle est l'habitude la plus française que vous ayez prise ?
En arrivant, je ne buvais pas de café. Maintenant, si.Mon look également. Avant, j'étais très sportswear. Maintenant, je fais un peu plus attention(sourire).
Vous êtes très talentueux sur le terrain. Dans quel domaine ne l'êtes-vous absolument pas ?
Il y a beaucoup de choses que je fais mal. Si tu m'écoutes chanter, jouer de la guitare, ou si tu me vois danser, c'est une catastrophe. J'aime mettre l'ambiance, mais (rires)... Quant à la cuisine... aie aie aie.
Quelle enceinte du Top 14 vous a le plus impressionné ?
Je dirais Mayol (Toulon). Aimé Giral (Perpignan) également. Mais tous les stades sont pleins, et comme les supporters font beaucoup de bruit, ça donne une ambiance incroyable !
Que souhaitiez-vous apporter au Racing et que pensez-vous avoir, au final, donné à cette équipe ces six derniers mois ?
A partir du moment où je fais partie d'une équipe, je lui donne absolument tout. Je l'aide, de quelque façon que ce soit, c'est vraiment important. Si l'équipe a besoin d'un mec qui porte les bouteilles d'eau, je porte l'eau. Si elle a besoin d'un mec qui met la musique, je mets la musique. Je donne tout ce que j'ai. Mais comme je le disais, j'ai aimé toutes les équipes dont j'ai défendu les couleurs. Lorsque je joue pour un club, je le fais de tout mon cœur. C'est peut-être pour ça que ça se passe bien avec les supporters (sourire).
Comment vivez-vous votre soudaine médiatisation ?
Bien ! (sourire) Le rugby est très connu en France, et il est important que, d'une part, les joueurs jouent, et que, d'autre part, que les journalistes suivent la saison. S'il n'y a plus de journalistes, plus d'articles, il n'y a pas de rugby ! Et les échanges avec les médias, c'est le moment où tu peux exprimer par le biais des mots ce que tu vis sur le terrain. Je trouve que c'est important.