Pourquoi nos ouvreurs n’ont pas la confiance des sélectionneurs ?
A la Humphrey Perkins School de Barrow on Soar (Près de Leicester) où j’ai découvert le rugby le Professeur qui enseignait ce jeu disait : "Le rugby c’est un demi d’ouverture et 14 joueurs autour". Je n’étais probablement pas assez doué pour faire un 10 car j’ai plus souvent été positionné près de la touche. Plus souvent à l’extérieur côté juge qu’à l’intérieur qu’à l’intérieur côté ailier. En tout cas jamais on m’a fait l’honneur du rond point, là où l’ouvreur inspire le jeu. Cette frustation à nourri en moi un intérêt particulier pour le poste de demi d’ouverture.
En lisant le Sunday Times de ce dimanche je suis tombé sur un article du chroniqueur Stephen Jones s’étonnnant de l’incapacité des sélectionneurs français à faire un choix sur un demi d’ouverture et à s’y tenir. Il constatait notamment qu’en 21 matches depuis son entrée en fonction Marc Lièvremont avait changé 11 fois de demi d’ouverture. Pas moins de 6 ouvreurs ont été sollicités par le sélectionneur actuel du Xv de France. Et en 7 occasions il n’a donné qu’une seule chance au titulaire de son choix. Les 6 ouvreurs français de l’ère Lièvremont listés par le chroniqueur britannique sont : Trin-Dhuc, Boyet, Traille, Skrela, Beauxis et Baby.
Mon confrère britannique note que cette incapacité chronique à faire confiance à un ouvreur n’est pas une spécificité Lièvremont. Elle est culturelle. Il ne comprend pas pourquoi notre pays géniteur d’aussi brillants joueurs de rugby entretient avec ses ouvreurs des relations du type "Je t’aime moi non plus". Pour trouver un 10 français auquel un sélectionneur a donné sa chance 10 matches de suite il faut remonter à Didier Cambérabéro dans les années 90 et à Lescarboura dans les années 80.
Stephen Jones pousse la recherche jusqu’à constater que parfois le sélectionneur de l’équipe de France est allé jusqu’à sélectionner 5 ouvreurs différents la même année calendaire. Et depuis 1960 il compte cent numéros 10 auxquels nos sélectionneurs ont donné leur chance une fois et les ont remplacé.
C’est vrai que, comparé aux autres nations, le rapport de nos sélectionneurs avec ce poste si stratégique de demi d’ouverture est troublant. De la Coupe du Monde 99 à la Coupe du Monde 2003 Wilkinson a été l’inamovible ouvreur de l’Angleterre. De 2007 au dernier match du Tournoi 2009 O’Gara a été le premier choix des sélectionneurs irlandais 20 matches d’affilée. Stephen Jones a été l’inamovible ouvreur lors des Tournois 2004, 2005 (Grand Chelem), 2006. Et en 2007 c’est sur blessure qu’il a perdu sa place pour le dernier match contre l’Angleterre.
Quand Michalak est arrivé à l’ouverture du XV de France en 2001 on le croyait parti pour durer 10 ans à ce poste. Aujourd’hui il cire le banc. Et quand il entre en jeu c’est pour jouer en 9.
Bref, pourquoi cette malédiction sur les ouvreurs de l’équipe de France ? Stephen Jones continue de s’interroger. J’ose une explication. Dans les îles britanniques ce qui guide les sélectionneurs dans le choix du 10 c’est sa capacité à réussir les tirs aux buts. Il doit approcher le 100% à chaque match. En France l’ouvreur est choisi pour son aptitude à déstabiliser les défenses adverses et pour sa capacité à déplacer le jeu au pied. Si dans les îles britanniques l’ouvreur est la plupart du temps celui qui est chargé des tirs aux buts ce n’est pas le cas en équipe de France. Dans ces conditions l’ouvreur français est fragilisé par rapport l’ouvreur anglais (Wilkinson), irlandais (O’Gara) gallois (Jones).
On peut aussi évoquer la pénurie d’ouvreurs de classe internationale dans notre pays. Dans la plupart des clubs de Top 14 les ouvreurs titulaires sont étrangers : Perpignan, Clermont, Castres, Stade Français, Toulon. L’exception est Toulouse. Mais dans ce club il n’y a que des 9 et demi ! Conséquence de cette politique des clubs : c’est l’équipe de France qui trinque. Comme trinquait l’équipe de France de Basket dans les années 70 quand tous les pivots de notre championnat étaient américains.
http://rugbyolympic.com/article.php3?id_article=3047